Le procès est hors norme, l’affaire l’est tout autant ! Gisèle Pélicot a été violée sur une période de dix ans par des dizaines d’hommes “recrutés” en ligne par son mari. L’affaire met en lumière un phénomène trop méconnu : la soumission chimique. Ce procès public, voulu par la victime et ses proches, marque une étape cruciale dans la reconnaissance juridique de ce fléau.
Rappel des faits
Pendant une décennie, Gisèle Pélicot a été droguée à son insu par son mari, Dominique Pélicot, qui la livrait à des viols perpétrés par des centaines d’hommes, trouvés en ligne. Ses enfants, et notamment sa fille Caroline Darian, se sont battus pour que ce procès ne soit pas jugé à huis clos, souhaitant sensibiliser le grand public à la soumission chimique. Caroline Darian, fondatrice de l’association #MendorsPas, milite depuis sa connaissance des faits pour une visibilité plus large de ce phénomène et une meilleure protection des victimes.
Le procès, qui va durer jusqu’en décembre, se déroule au sein de la Cour Criminelle de Vaucluse à Avignon. Pour Sandrine Josso, députée et également cofondatrice de l’association précitée, la médiatisation de cette affaire est une occasion précieuse pour éduquer la société sur cette problématique encore largement sous-estimée.
La soumission chimique : que dit la loi ?
La soumission chimique est définie par la loi à l’article 222-30-1 du Code pénal.
Le fait d’administrer à une personne, à son insu, une substance de nature à altérer son discernement ou le contrôle de ses actes afin de commettre à son égard un viol ou une agression sexuelle est puni de cinq ans d’emprisonnement et de 75 000 € d’amende.
Lorsque les faits sont commis sur un mineur de quinze ans ou une personne particulièrement vulnérable, les peines sont portées à sept ans d’emprisonnement et à 100 000 € d’amende.
En France, les signalements de soumission chimique sont en nette augmentation, avec 1 229 cas rapportés en 2022, soit une hausse de 69 % par rapport à l’année précédente. Cette même année, 82 % des victimes étaient des femmes, les agresseurs étant la plupart des hommes, connus de leurs victimes.
Dans le cadre juridique, la soumission chimique est considérée comme une circonstance aggravante. Pour enrayer ce phénomène, il est essentiel que les victimes puissent parler et dénoncer. Elles doivent réagir rapidement pour faire constater les preuves toxicologiques en déposant plainte dans des délais courts. Des prélèvements sanguins et urinaires sont alors réalisés pour confirmer la présence de substances chimiques administrées à leur insu. Malheureusement, il est souvent difficile pour les victimes de rassembler des preuves, surtout lorsqu’elles sont inconscientes et que leur état de brouillard cognitif perdure.
D’un point de vue législatif, des efforts sont réalisés pour réglementer l’accès à certains médicaments potentiellement utilisés pour commettre ces crimes, tels que le Rivotril, désormais prescrit sous des règles plus strictes.
Le combat contre la soumission chimique nécessite une formation accrue des professionnels de santé, de la justice et des forces de l’ordre, ainsi qu’une sensibilisation plus large du public sur les dangers de ces pratiques. C’est un changement culturel qui est nécessaire, pour que la société prenne pleinement conscience de la gravité de ce phénomène et protège les victimes. Le procès de Dominique Pélicot ouvre la voie et marquera certainement un avant-après dans la lutte contre la soumission chimique.