Le 30 octobre 2024, la commission des lois de l’Assemblée nationale a rejeté la proposition de loi réintroduisant les peines planchers, portée par le Rassemblement national. Ce refus met en lumière plusieurs enjeux juridiques, constitutionnels et politiques.
Rappel des faits
La proposition de loi visait à réinstaurer les peines planchers, abrogées en 2014, pour certains crimes et délits. Ces peines minimales concerneraient notamment les trafics de drogue et les atteintes contre les forces de l’ordre. Déposée dans le cadre de la niche parlementaire du Rassemblement national, elle a été débattue en commission des lois le 30 octobre dernier.
Cette initiative reflète une revendication constante de la droite et de l’extrême droite, qui y voient un outil de fermeté face à la montée de la violence. Cependant, plusieurs obstacles ont été soulevés, notamment par le ministre de la Justice, Didier Migaud. Le texte présente un risque constitutionnel majeur : en 2011, le Conseil constitutionnel avait censuré une disposition similaire pour les mineurs sans antécédents criminels ou délictuels, évoquant une atteinte au principe d’individualisation des peines.
De plus, les précédents historiques ne plaident pas en faveur du dispositif. Entre 2007 et 2014, les peines planchers instaurées par la loi Sarkozy n’avaient pas démontré une efficacité notable : la majorité des juges avaient préféré y déroger, et les études statistiques n’avaient révélé aucun impact significatif sur la sévérité des condamnations.
L’éclairage juridique
Au cœur de la controverse se trouve le principe fondamental de l’individualisation des peines. Consacré par le droit français, ce principe permet aux juges d’adapter les sanctions à la personnalité et au parcours des condamnés. Les peines planchers, en imposant des seuils minimaux, contraignent cette liberté, risquant ainsi de déséquilibrer l’échelle pénale.
L’individualisation des peines, principe clé du droit pénal, est consacré par l’article 132-1 du Code pénal, qui impose aux juridictions de prendre en compte les circonstances de l’infraction et la personnalité de l’auteur pour déterminer la peine. L’article 707 du Code de procédure pénale renforce ce principe en soulignant que l’exécution des peines doit viser à favoriser l’insertion et la réinsertion des condamnés.
Les critiques soulignent également un manque d’efficacité pratique. Le précédent dispositif avait exacerbé la surpopulation carcérale sans offrir de solutions durables pour la réinsertion. La saturation des prisons, couplée à l’absence de suivi des détenus après leur libération, avait renforcé les problématiques de récidive.
Enfin, l’analyse juridique révèle un enjeu politique. Pour le Rassemblement national, la proposition de loi est aussi un moyen d’affirmer sa posture sécuritaire et de mettre en difficulté le gouvernement. Cependant, cette stratégie politique soulève une question essentielle : doit-on légiférer pour marquer des points idéologiques au détriment d’un cadre pénal efficace et constitutionnel ?
Le rejet des peines planchers par la commission des lois montre une fois de plus les tensions entre impératifs sécuritaires et respect des principes juridiques fondamentaux. Si la fermeté des réponses pénales reste une attente légitime des citoyens, elle ne peut se faire au prix d’une rupture avec les valeurs constitutionnelles de la République. La priorité semble être ailleurs : réformer le système pénal pour garantir l’effectivité et l’immédiateté des peines, dans le respect de l’État de droit.