Même si vous n’êtes pas adepte de musique rap et que vous n’utilisez ni Tik-Tok, ni Instagram, ni Twitter, vous n’avez pas pu manquer l’une des affaires les plus entendues de la rentrée 2022, le clash entre le chanteur Booba et l’entrepreneuse Magali Berdah.
Un clash qui, de tweets en tweets, a poussé la justice à se pencher sur les activités commerciales pas très claires de certains influenceurs.
Le rappeur contre les influenceurs : un litige ancien
Cela fait quelques mois que le chanteur Booba met en exergue sur son compte Twitter les influenceurs et leur pratiques commerciales en dénonçant notamment le drop-shipping ; cette pratique qui consiste à revendre des produits achetés à bas coûts en Chine. Les produits sont bien évidemment revendus plus chers mais la pratique est légale, tant qu’elle respecte les règles du Code de la Consommation.
A fouiller un peu, Booba s’est aperçu que certains influenceurs organisaient ces pratiques de façon peu loyale : commandes jamais envoyées, jamais remboursées …
Petit à petit, il est devenu la voix des consommateurs abusés, fort de ses très larges communautés sur les réseaux sociaux. En créant notamment le #influvoleurs.
Très vite, il a dirigé son combat contre une entrepreneuse, Magali Berdah, créatrice d’une agence de marketing d’influence qui met en relation marques et influenceuses qu’il accuse de gérer ce grand système d’arnaques.
Quand les dénonciations passent par l’arène des réseaux sociaux, elles sont immédiatement amplifiées et la haine survient fréquemment. Magali Berdah a ainsi subi une vague de cyberharcèlement par les fans du rappeur à base d’antisémitisme et de menaces physiques.
Elle a porté plainte pour diffamation contre le chanteur et pour activisme sur les réseaux sociaux.
Des pratiques commerciales trompeuses ?
Après avoir lancé le hashtag #influvoleurs, le rappeur a ouvert la boîte mail “Influvoleurs2022” pour recueillir les témoignages des personnes victimes du système.
Fort des réactions obtenues, son avocat a déposé deux plaintes contre Shauna Events, l’entreprise de Magali Berdah et contre X, pour “pratiques commerciales trompeuses” et “escroquerie en bande organisée”. Cette deuxième plainte ayant été abandonnée.
Par ailleurs, deux signalements auprès de la Direction Générale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des Fraudes sont également déposés.
C’est le Parquet de Grasse qui a chargé le commissariat d’Antibes, ville où est localisé le siège de Shauna Events d’enquêter sur le dossier.
L’article L. 121-1 du Code de la consommation pose un principe général d’interdiction des pratiques commerciales déloyales. Est entendue comme déloyale une pratique commerciale qui vise une catégorie particulière de consommateurs ou un groupe de consommateurs vulnérables en raison d’une infirmité mentale ou physique, de leur âge ou de leur crédulité.
Ainsi, les fans des influenceurs et de Magali Berdah seraient crédules. Si certains sont adultes, la plupart sont de jeunes adolescents souvent fascinés par la réussite de leurs idoles qui s’affichent sous les cocotiers de Dubaï. Des études régulières montrent très bien comment les réseaux sociaux ont une véritable influence sur l’esprit critique des plus jeunes et des plus fragiles.
Les sanctions prises à l’encontre des professionnels reconnus coupables de pratiques commerciales trompeuses sont lourdes :
- emprisonnement de deux ans et amende de 300 000 euros. Le montant de l’amende peut être porté à 10 % du chiffre d’affaires moyen annuel, calculé sur les trois derniers chiffres d’affaires annuels connus à la date des faits.
- les personnes physiques encourent également à titre de peines complémentaires l’interdiction d’exercer une profession commerciale ou industrielle, de diriger, d’administrer, de gérer ou de contrôler à un titre quelconque, directement ou indirectement, pour leur propre compte ou pour le compte d’autrui, une entreprise commerciale ou industrielle ou une société commerciale, pour une durée de cinq ans au plus.
- enfin, les personnes morales déclarées responsables pénalement encourent une amende de 1 500 000 euros ainsi que les peines complémentaires prévues aux 2° à 9° de l’article 131-39 du Code pénal.
Doutons que les condamnations, s’il y en a, soient aussi sévères mais espérons qu’elles incitent les professionnels du secteur du marketing d’influence a davantage de transparence et de sincérité.