Le 11 mars 2021, le Président du Tribunal Correctionnel d’Aix-en-Provence faisait expulser un avocat après un incident d’audience et procédait au jugement du client ; pourtant absent et non représenté par son avocat.
Retour sur cette affaire qui suscite l’émoi chez les professionnels du droit, fait descendre les avocats dans la rue et mobilise jusqu’au gouvernement.
Les faits
Lors de l’audience du Tribunal Correctionnel d’Aix-en-Provence du 11 mars 2021, relative à une affaire de trafic de stupéfiants mettant en cause une dizaine de prévenus comparaissant libres, l’avocat de l’un d’eux – positif au Covid et non présent – faisait une demande de disjonction, qui aurait ainsi permis la poursuite de l’audience et la comparution ultérieure dudit client affecté par le Covid.
A savoir que le prévenu, au regard des faits reprochés, encourait une peine de 20 ans d’emprisonnement.
Le Président refusa cette demande de disjonction, ce qui incita Maître SOLLACARO à demander à son client de comparaître à l’audience malgré son état de santé.
Après des échanges houleux, le Président RIVET sollicitait la force publique pour expulser l’avocat du prétoire.
Il fut suivi de l’ensemble des avocats qui refusaient de poursuivre l’audience en l’état.
Tout aurait pu s’arrêter là et l’audience aurait pu être renvoyée, ce que sollicitait d’ailleurs le Procureur de la République ainsi que les Bâtonniers d’Aix en Provence et de Nice, désignés d’office pour assurer la défense des prévenus.
Sauf que le Président ayant refusé le renvoi ; l’audience s’est poursuivie en l’absence d’avocats.
Les avocats mobilisés contre cet “incident”
Depuis cette déplorable affaire, les avocats se mobilisent et plusieurs actions ont été menées ces dernières semaines.
Le lundi 15 mars 2021, les représentants de la profession d’avocat, dont le Conseil National des Barreaux, co-signaient une lettre ouverte adressée au Garde des Sceaux pour dénoncer l’expulsion de l’un de leurs confrères alors qu’il exerçait les seuls droits de la défense de son client.
Extraits choisis :
“Les propos inadmissibles qui ont été tenus à l’encontre de notre profession – le président indiquant notamment aux prévenus qu’ils feraient mieux d’être jugés sans avocat – tout comme la poursuite de l’audience par les interrogatoires des prévenus sans leurs avocats, sont des violations manifestes des droits de la défense. Ces agissements sont indignes de notre institution. “
“Devons-nous encore rappeler que le pouvoir de police de l’audience qu’un président de Tribunal correctionnel tire de l’article 401 du code de procédure pénale n’est pas un pouvoir arbitraire ? Il ne l’autorise en aucun cas à s’affranchir du respect des règles du procès équitable prévues par le code de procédure pénale et l’article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme.”
Le mercredi 17 mars suivant, les avocats furent appelés à manifester leur désapprobation et ils furent nombreux à se rassembler devant les tribunaux de France pour dénoncer l‘atteinte faite à la défense.
Tout comme le gouvernement …
Le retentissement de l’affaire et son caractère exceptionnel sont vite remontés jusqu’au gouvernement, contraignant le Premier Ministre, Jean Castex a saisir l’Inspection Générale de la Justice pour « comprendre l’enchaînement des événements et disposer des informations les plus exactes et les plus complètes possibles ».
Cette triste affaire montre bien les tensions entre avocats et magistrats qui ne font que s’amplifier ces derniers mois, causant des préjudices graves à l’image même de la justice et aux droits de la défense.
A noter que l’avocat Maître SOLLACARO a porté plainte dès le lendemain des faits pour violences aggravées. La plainte vise le Président Rivet qui a ordonné l’expulsion mais également les policiers qui l’ont sorti du prétoire.