Depuis plusieurs mois, l’affaire revient régulièrement sur le devant de la scène, certains humoristes n’hésiteraient pas copier les blagues de certains autres, résidant souvent Outre-Manche…
Attitude pas terrible s’il en est au niveau de la morale – bien que chacun ayant sa propre définition et appréciation de la moralité, on pourrait en discuter des heures entières – mais niveau droit, qu’en est-il ?
Gad Elmaleh face aux accusations de plagiat
Il y a quelques mois, un vidéaste CopyComic, a mis en ligne des vidéos sur Youtube dans lesquelles les blagues d’un célèbre humoriste français, Gad Elmaleh, étaient comparées à d’anciens sketchs américains, québécois et français. Très clairement, on y retrouve des similitudes troublantes … Ce n’était pas la première fois que le comédien français était montré du doigt pour des “reproductions” de vannes.
Si Gad Elmaleh est sous le feu des projecteurs en ce moment, bien d’autres avant lui ont été épinglés par leurs pairs : Michel Leeb, Manu Payet, Stomy Bugsy … Des histoires qui circulent dans le milieu très confidentiel du spectacle évoquent même Coluche qui aurait envoyé ses potes écumer les petits théâtres de boulevard à la recherche de bonnes vannes à réutiliser. A l’époque, les réseaux sociaux n’existaient pas et la viralité des informations non plus.
Si l’on parle autant de copier/coller dans le milieu de l’art et notamment du spectacle, il y a pourtant très peu de procédures judiciaires … C’est que la différence entre l’hommage, l’inspiration et le plagiat n’est jamais évidente à déceler.
Par ailleurs, engager une procédure contre un “collègue” de travail est toujours une démarche délicate, notamment lorsque les collègues ont une notoriété importante.
On dit toujours qu’il vaut mieux laver son linge sale en famille. Un dicton qui s’adapte très bien au secteur artistique.
Emprunter des blagues est-il condamnable en droit français ?
Sans aucun doute !
Une “vanne humoristique” est une oeuvre protégée par la propriété intellectuelle. Aussi le plagiat peut-il être poursuivi pour délit de contrefaçon selon l’article L 335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.
Ainsi « toute reproduction, représentation ou diffusion, par quelque moyen que ce soit, d’une oeuvre de l’esprit en violation des droits de l’auteur, tels qu’ils sont définis et réglementés par la loi » est un délit de contrefaçon.
Encore faut-il que le juge interprète l’emprunt comment un plagiat … Et rien n’est moins subjectif que l’interprétation d’un sketch d’un humoriste. Comme il n’existe à ce jour aucune jurisprudence reprenant une procédure concernant des contrefaçons de sketchs, les juges risquent d’être bien en peine pour se prononcer sur les faits reprochés.
D’autant plus qu’il suffit d’un mot changé, d’une phrase complétée pour que la vanne de base ne soit plus tout à fait la même, sans être tout à fait différente … un vrai casse-tête juridique !
A noter que dans le cas des procédures pour plagiat, le juge doit vérifier si l’emprunteur d’une oeuvre a bien cité la source, mentionné le nom de l’auteur d’origine ou s’il s’est contenté de transposer le contenu sans mention de l’oeuvre originale.
C’est souvent ce point-là justement qui est reproché aux “copieurs” dans le spectacle…
Si les créateurs originels de spectacles comiques conçoivent assez facilement l’emprunt de leurs vannes, modifiées et adaptées au propre univers de l’emprunteur – sans oublier que l’emprunt peut se considérer comme une forme d’hommage – ils acceptent beaucoup moins d’être oubliés et en quelque sorte poussés hors de la scène. Ceci est d’autant plus vrai lorsque le comique emprunteur est plus célèbre que celui à qui il a négligemment reproduit les blagues …
A voir si l’orgueil des uns et des autres suffira à provoquer des procédures judiciaires.