Le 4 janvier 2021, le Conseil d’Etat a validé l’élargissement des fichiers de renseignements élaborés par les services de police et de gendarmerie.
Les informations syndicales, religieuses ou encore les opinions politiques d’un individu pourront y être inscrites en toute légalité.
La sécurité publique et la sûreté de l’Etat justifient l’inscription de renseignements personnels dans les fichiers de police. Ainsi en a décidé le Conseil d’Etat qui a rejeté les demandes des organisations syndicales CGT, FO, FSU et des associations de défense des droits de l’homme qui dénonçaient la dangerosité de trois fichiers, largement élargis par le gouvernement en décembre 2020 via la publication de trois décrets, qui attendaient sagement l’aval de la haute juridiction. C’est chose faite.
Trois fichiers élargis
Les trois fichiers que nous évoquons sont à disposition de certains services de renseignement de police et de gendarmerie. Ils ont été élargis par le gouvernement sans débat public.
Ces fichiers qui contiennent déjà près de 40 000 individus chacun, concernent ceux qui constituent une menace pour “la sécurité publique”. L’extension concerne à présent les individus qui présentent un danger pour la “sûreté de l’Etat” et les “intérêts fondamentaux de la Nation”.
Voici ces trois fichiers :
- le fichier Prévention des atteintes à la sécurité publique (PASP)
- le fichier Gestion de l’information et prévention des atteintes à la sécurité publique (GIPASP)
- et le fichier Enquêtes administratives liées à la sécurité publique (EASP) destinés aux enquêtes avant recrutements dans la fonction publique.
Les nouvelles données collectées autorisées
La Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL) qui a été interrogée (avis consultatif) a précisé que “la rédaction de certaines catégories de données est particulièrement large”.
Les éléments supplémentaires pouvant figurer dans ces fichiers sont ceux :
- relatifs aux opinions politiques
- aux convictions philosophiques et religieuses
- à l’appartenance syndicale
- mais aussi les données de santé révélant une dangerosité particulière (les troubles psychiatriques ou psychologiques)
- sans oublier les comportements et habitudes de vie, les déplacements, les pratiques sportives
- et les activités sur les réseaux sociaux
La CNIL a raison : les périmètres du renseignement sont dorénavant très larges !
Nouveauté également, les personnes morales comme les associations pourront y figurer. On ne peut s’empêcher de penser notamment à certaines associations religieuses dans le collimateur du gouvernement depuis quelques mois.
La sûreté de l’Etat ?
Mais qu’est donc cet impératif qui permet de recueillir des données très personnelles d’individus ?
En France, la sûreté de l’Etat est le principe qui permet à l’Etat de faire prévaloir la continuité de ses services et l’intérêt supérieur de la nation, aux dépens de la sûreté personnelle lorsque les intérêts fondamentaux du pays sont menacés.
Apologie du terrorisme, cybercriminalité, divulgation de technologie de pointe, tentative de corruption, intelligence avec une puissance étrangère … les actes incriminés peuvent être divers et, reconnaissons-le, ne concernent pas tous les citoyens et tous les délinquants de ce pays.
Pour autant, dès lors que l’on évoque un fichage quelconque, notre cerveau reptilien, celui qui dicte nos réactions face à la peur, s’agite.
Rappelons le fichier Edvige (exploitation documentaire et valorisation de l’information générale), qui en 2008 déjà, prévoyait de recenser des personnes exerçant ou ayant exercé un mandat politique, syndical ou économique. Il avait provoqué un tel scandale qu’il avait été retiré aussitôt.
Situation différente cette fois-ci. Est-ce à dire que les français ont davantage confiance en leurs institutions ou sont-ils tout simplement débordés par une crise sanitaire particulièrement plombante telle qu’elle évince des sujets essentiels ?