Le 6 décembre 2019, 13 décisions ont été rendues par le Conseil d’État dans des affaires relatives au droit à l’oubli prévu par le RGPD.
Par ces décisions, le Conseil d’Etat livre un véritable mode d’emploi, précis et rigoureux de cette notion, toujours un peu trouble depuis sa mise en oeuvre en 2014.
Ce mode d’emploi devrait s’imposer à la CNIL et à Google dès le début de cette année.
Le droit à l‘oubli : rappel
Créé en 2014 par la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE), le “droit au déréférencement” ou “droit à l’oubli” permet à quiconque d’obtenir l’effacement ou le déréférencement de données personnelles.
Plus précisément, l’effacement consiste à obtenir du propriétaire d’un site la suppression de photos, textes ou autres données alors que le déréférencement permet d’obtenir du propriétaire d’un moteur de recherche l’interdiction de faire remonter certains résultats sur les requêtes des internautes.
La procédure du droit à l’oubli se passe en plusieurs phases :
- en premier lieu, l’internaute concerné doit saisir le propriétaire du moteur de recherche.
Refus de celui-ci …
L’internaute peut saisir soit le juge judiciaire soit la Commission Nationale de l’Informatique et des Libertés pour qu’elle ordonne à cet exploitant de procéder au déréférencement des liens en cause.
Refus de la CNIL …
- L’internaute peut contester la décision devant le Conseil d’État, qui doit se prononcer au vue des circonstances et du droit applicable à la date où il est saisi.
Très vite, lors de la mise en place de ces dispositions, Google a été débordé par les demandes qui furent très nombreuses.
Et si la CNIL donnait bien quelques conseils aux internautes pour utiliser ces dispositifs et se faire entendre de Google, force est de constater que les conditions d’application du droit à l’oubli restaient floues et surtout, dépendantes du bon vouloir du géant américain.
C’est dans ce cadre que 13 décisions ont été rendues par le Conseil d’Etat, portant sur 13 cas d’internautes ayant sollicité le déréférencement de liens, déboutés par Google, puis par la CNIL ayant suivi la position du moteur de recherche.
Le droit à l’oubli : mode d’emploi
Le Conseil d’Etat s’est prononcé au regard d’un arrêt de la Cour de Justice de l’Union européenne rendu le 24 septembre 2019.
Ses 13 décisions définissent, “sur le fondement du RGPD, le cadre dans lequel un exploitant de moteur de recherche doit, sous le contrôle de la CNIL, respecter le droit au déréférencement”.
Les grand principes du droit à l’oubli sont les suivants :
- Le juge doit tenir compte des circonstances et du droit applicable à la date à laquelle il statue.
- Le déréférencement d’un lien contenant des données personnelles est un droit.
- Le droit à l’oubli n’est pas absolu. Un équilibre doit être trouvé entre droit à la vie privée et le droit à l’information.
Trois catégories de données personnelles sont concernées :
- les données dites sensibles (santé, vie sexuelle, opinions politiques, convictions religieuses …),
- les données pénales,
- les données touchant à la vie privée sans être sensibles.
Le Conseil d’Etat précise en outre qu’ “il ne peut être légalement refusé de faire droit à une demande de déréférencement que si l’accès aux données sensibles ou pénales à partir d’une recherche portant sur le nom du demandeur est strictement nécessaire à l’information du public.”
De quoi y voir plus clair pour les internautes et pour les juges !