Souvenez- vous du décès de Nahel, tué par un policier. Sa mort a embrasé le pays : 1 300 arrestations en cinq jours d’émeutes. 448 personnes impliquées dans les mouvements de contestation qui ont suivi la mort du jeune homme ont été incarcérées à l’issue d’une comparution immédiate, sur 585 ayant fait l’objet de cette procédure. L’incarcération à l’issue d’une telle procédure a donc concerné trois personnes sur quatre (76%). A Nanterre, deux heures à peine ont été nécessaires au tribunal pour clôturer les débats et rendre la sentence, réquisitoire et plaidoirie compris. C’est le mécanisme de la comparution immédiate. En l’espace de quarante-huit heures, l’individu passe du commissariat au Tribunal.
Que dit la loi ?
L’article 395 du Code de procédure pénale régit le dispositif.
Si le maximum de l’emprisonnement prévu par la loi est au moins égal à deux ans, le procureur de la République, lorsqu’il lui apparaît que les charges réunies sont suffisantes et que l’affaire est en l’état d’être jugée, peut, s’il estime que les éléments de l’espèce justifient une comparution immédiate, traduire le prévenu sur-le-champ devant le tribunal. En cas de délit flagrant, si le maximum de l’emprisonnement prévu par la loi est au moins égal à six mois, le procureur de la République, s’il estime que les éléments de l’espèce justifient une comparution immédiate, peut traduire le prévenu sur-le-champ devant le tribunal. Le prévenu est retenu jusqu’à sa comparution qui doit avoir lieu le jour même ; il est conduit sous escorte devant le tribunal.
Cette procédure rapide permet au Parquet de faire juger un individu immédiatement après sa garde à vue. Le Procureur de la République peut engager cette procédure s’il estime que les indices sont suffisants et que l’affaire est en état d’être jugée. L’auteur présumé doit, en présence de son avocat, accepter d’être jugé immédiatement. Elle s’applique uniquement pour des délits, c’est-à-dire des actes interdits par la loi et punis d’une amende et/ou d’une peine d’emprisonnement inférieure à 10 ans ou punis d’au moins 2 ans de prison, voire d’au moins 6 mois en cas de flagrant délit, c’est-à-dire un délit qui est en train de se commettre ou qui vient d’être commis.
Face à l’explosion des cas de comparutions immédiates vus cet été, un collectif d’avocats et de magistrats constitué par l’Union des jeunes avocats de Paris dénonçait dans une tribune au journal Le Monde en septembre dernier, la multiplication des procédures de comparution immédiate. “Les comparutions immédiates, exception procédurale française, représentent une justice de deuxième classe inacceptable”.
Selon ces avocats, le recours à la comparution immédiate est trop généralisé. Il marque non seulement la pression exercée sur les magistrats pour obtenir des résultats rapidement, mais aussi l’insuffisance des ressources judiciaires. Le constat est indiscutable pour les professionnels du droit : de nombreux dossiers ne devraient pas être soumis à ce dispositif. Soit que certains dossiers, en raison de leur complexité, ne peuvent pas être examinés de manière approfondie dans le cadre d’une procédure aussi courte, soit que les cas impliquent des investigations plus poussées et parfois la mise en place d’évaluations psychiatriques.