La Cour d’Appel de Versailles a rendu un arrêt important, le 6 mai dernier. Statuant en référé, elle a considéré que la perte partielle de la chose louée ne constituait pas une contestation sérieuse permettant à un locataire de suspendre le paiement des loyers et charges pendant les périodes de fermeture administrative.
Fermetures administratives et paiement des loyers
La décision de la Cour d’Appel de Versailles est à rapprocher des lois d’urgence prises durant cette période de pandémie, lesquelles ont aménagé par diverses mesures l’impact économique des fermetures administratives mais n’ont jamais autorisé la suspension du paiement des loyers.
Même si dès mars 2020, le législateur était intervenu pour protéger les locataires – interdiction était faite aux propriétaires de poursuivre en paiement de loyers ou d’intérêts de retard les locataires contraints de fermer leur commerce – seul le preneur subissait l’injustice de la crise, le bailleur conservant son droit au paiement des loyers.
Arrivés à la fin de la période de suspension des poursuites, dès lors que les bailleurs ont tenté de recouvrer les loyers des mois de confinement, les locataires ont opposé à ces derniers dans le droit commun des contrats, les outils juridiques pour s’exonérer du paiement des loyers.
Ainsi, l’exception d’inexécution ou encore la force majeure ont été des arguments utilisés par les locataires.
L’exception d’inexécution
L’article 1219 du Code Civil dispose “qu’une partie peut refuser d’exécuter son obligation, alors même que celle-ci est exigible, si l’autre n’exécute pas la sienne et si cette inexécution est suffisamment grave.”
Les commerçants estimant que leurs locaux faits pour recevoir du public ne servaient plus à l’usage auquel ils étaient destinés, ils pouvaient s’exonérer du paiement des loyers des fermetures administratives.
La force majeure
L’article 1218 du Code Civil donne une définition de la force majeure. Il s’agit d’un “événement échappant au contrôle du débiteur, qui ne pouvait être raisonnablement prévu lors de la conclusion du contrat et dont les effets ne peuvent être évités par des mesures appropriées”.
Ces deux arguments ont été rejetés par les tribunaux.
La perte de la chose louée
Autre argument utilisé par les locataires, la perte de la chose louée.
L’article 1722 du Code Civil dispose que “si, pendant la durée du bail, la chose louée est détruite en totalité par cas fortuit, le bail est résilié de plein droit ; si elle n’est détruite qu’en partie, le preneur peut, suivant les circonstances, demander ou une diminution du prix, ou la résiliation même du bail. Dans l’un et l’autre cas, il n’y a lieu à aucun dédommagement”.
Les locataires estimaient qu’en raison des fermetures administratives successives, les locaux loués devaient être considérés comme ayant été partiellement et temporairement détruits, ce qui justifiait une diminution du prix des loyers ou même encore, la résiliation du bail.
Les juges de la Cour d’Appel ont tout simplement écarté cet article et réfuté la destruction totale ou partielle : “il n’est pas contesté qu’en l’espèce le bien loué n’est détruit ni partiellement ni totalement ; il n’est pas davantage allégué qu’il souffrirait d’une non-conformité, l’impossibilité d’exploiter du fait de l’état d’urgence sanitaire s’expliquant par l’activité économique qui y est développée et non par les locaux, soit la chose louée en elle-même” et rajoutent que “l’impossibilité d’exploiter durant l’état d’urgence sanitaire est de plus limité dans le temps, ce que ne prévoit pas l’article 1722 du Code Civil, lequel ne saurait être appliqué en l’espèce”.
Reste alors au bailleur et au locataire la voix de la négociation pour s’entendre et la meilleure solution pour chacun d’entre eux.